mardi 10 mai 2011

Le Chettinad et ses fantômes

Les Chettiars forment une tribu de commerçants, qui était à l'origine installée sur la côte Est de la péninsule. Ils étaient de bons navigateurs rapportant perles et pierres précieuses de leurs voyages. 

Un épisode véridique ou légendaire explique leur migration vers l'intérieur. Au XIII ème siècle, le roi de la région enleva une fille de leur tribu pour l'épouser. Les Chettiars se replièrent et s'installèrent dans cette région dénommée aujourd'hui Chettinad , située entre Madurai et Tanjore. 

Nous empruntons pour nous y rendre des routes étroites bordées de collines de granit blanc; les bourgs sont tranquilles et gardent des traces d'une population autrefois plus nombreuse et d'une richesse disparue, comme ce temple et son immense bassin destiné à recueillir les eaux de la mousson.


Installés dans cette nouvelle région, les Chettiars poursuivirent leurs activités commerciales et furent aussi les banquiers des rois jusqu'à l'époque de la colonisation. Les Anglais les utilisèrent pour infiltrer les produits manufacturés et leur donnèrent des terres sans valeur, juste bonnes à la culture de l'eucalyptus.
Leur prospérité leur permit d'édifier de grandes maisons familiales, répliques des palais royaux.



D'après notre guide, ces banquiers malgré leur immense richesse vivaient simplement ne suscitant pas de réactions de rejet. Une organisation interne très stricte et une comptabilité rigoureuse donnaient aux femmes beaucoup de responsabilités, les hommes étant très souvent absents pour leurs affaires. Les femmes héritaient des richesses de leur mère et pouvaient dépenser les intérêts de ce patrimoine, mais non le capital.

Voici le fondateur d'une de ces maisons et son fils




 Ces maisons familiales s'organisent souvent autour d'une cour intérieure; chaque membre de la famille y a sa chambre dont il conserve la clé, même en cas de longue absence.


Ceci reste vrai encore aujourd'hui, malgré le déclin des Chettiars, ruinés par l'indépendance indienne et installés pour la plupart dans d'anciennes colonies anglaises, comme la Birmanie, la Thaïlande ou le Sri-Lanka. Beaucoup de ces immenses maisons sont donc quasiment abandonnées et dans un état de délabrement qui a alerté l'Unesco et les a fait reconnaître comme patrimoine culturel.
Certaines sont donc restaurées, comme ce charmant hôtel où nous avons séjourné et dans lequel je me serais volontiers attardée.


C'est le bois de teck de Birmanie qui a fourni le matériau de construction principal et le cuivre du plafond de ce vestibule a été choisi pour sa résistance à la chaleur. 



Mais la tombée de la nuit donne une note bien mélancolique à l'image de cette rue  beaucoup trop spacieuse pour cette femme seule et chargée  devant ce bâtiment délabré.

samedi 7 mai 2011

Le palais de Madurai

Avant de nous rendre au temple, qu'il faut découvrir au moment le plus animé, c'est-à-dire en fin
d'après-midi, nous visitons le palais de Madurai. construit lui aussi au XVII ème siècle, époque de la splendeur de la famille des Nayaks, rois de Madurai.


C'est à un architecte italien que la responsabilité en fut confiée et tout respire la lumière et l'espace, même s'il ne reste aujourd'hui qu'une partie du monument originel. La magnifique cour centrale donne le ton avec la blancheur éclatante des piliers, la couleur crème du stuc et les couleurs vives mais non agressives des motifs décoratifs.


Impression - non désagréable -  de parcourir  un gigantesque gâteau à la crème.


 Chaque caisson du plafond est décoré d'un motif différent plus ou moins riche.


Les animaux mythologiques nous guettent du haut des corniches et des chapiteaux, assez bienveillants lorsque le peintre leur confère des couleurs pastel, 



plus inquiétants quand ils gardent la couleur uniforme du stuc.


En tout cas le sculpteur a laissé parler son imagination, ne se contentant pas d'importer le bestiaire chinois: sphinx, humain, licorne, éléphant ou tout cela ensemble?


Malgré la chaleur extérieure une véritable sensation de bien-être et de fraîcheur se dégage de ces ogives crénelées, de leur blancheur et de la lumière indirecte qu'elles diffusent.



Tous les jeux de couleurs sont ici permis et on se plairait à flâner dans ces immenses salles, mais notre guide, John ne l'entend pas de cette oreille: il faut se diriger vers le temple.
Cette visite rapide est un peu frustrante: quand reviendrai-je savourer à loisir les sensations de bien - être qui émanent de ce palais?... 




jeudi 5 mai 2011

Le temple de Madurai






La visite du temple de Suchindram à Kanyakumari, encastré dans un marché,  sa chaleur étouffante et son obscurité pesante nous ont  laissé un certain malaise .
Mais celui de Madurai est à l'opposé: on l'aperçoit de très loin et peu à peu la silhouette entrevue se précise: non ce n'est pas une baraque de fête foraine! c'est une des multiples tours qui se dressent à l'entrée et dans l'enceinte de ce monument reconstruit au XVII ème siècle sur une superficie de six hectares.


Dès que l'on se trouve au pied de ce "gopuram", on est pris de vertige devant sa masse, et de tournis face à la profusion et à la vivacité des couleurs. Pendant un moment il est impossible de distinguer quoi que ce soit. Les ogives des voûtes gothiques nous aspirent vers le haut, mais ici la masse de l'ensemble associée à la multiplicité des figures nous cloue au sol.
Après un moment d'adaptation et en évitant de malencontreux torticolis, les différents étages apparaissent.
Au premier niveau diverses figures divines encadrées par des colonnes dont les chapiteaux  sont surmontés de fleurs de bananiers ; le granit rosit au soleil déclinant car c'est en fin d'après-midi que le temple s'anime.




Tout change  à partir du deuxième étage avec les peintures multicolores appliquées sur les figurines et les colonnes des temples miniatures. Ce sont d'abord les gardiens  qui, sous un auvent,  défendent l'entrée du temple symbolisé par  les deux colonnes  centrales. A l'étage du dessus deux figures du dieu Vishnu encadrent la porte.


Ensuite jusqu'au faîte une série de gardiens à l'allure dissuasive malgré leur sourire encadre la colonne centrale. On ne sait pas trop où poser le regard, mais on discerne quand même les  corps bi ou tricolores de certains personnages, probablement des divinités et la répétition infinie du motif du temple décliné sous tous les coloris les plus accrocheurs.


Enfin, le regard atteint le sommet en forme de toit arrondi surmonté des figures de dragons et d'animaux mythologiques: la Chine n'est pas si loin!. Avec le toit le vertige visuel s'apaise un peu.


Les couleurs éclatent sous le soleil car l'huile de ricin leur donne un aspect luisant. Pourtant elles doivent être appliquées tous les deux ans en raison des intempéries provoquées par la mousson. Je me demande combien  d'artisans doivent être mobilisés pendant combien de temps pour redonner tout son brillant à chaque détail .

Après  ce premier et imposant gopuram, c'est une suite de portiques et de galeries qui s'offre au visiteur . Le temple est lui-même une ville qui offre ses boutiques et attire en fin de journée, badauds, amoureux, familles et fidèles dans une foule animée et décontractée.

Ce temple est dédié à Parwati et à son époux,Shiva, la troisième divinité principale du panthéon hindou. Mais avant d'arriver au saint des saints qui renferme la statue de la déesse, nous rencontrons les statues des autres divinités qui sont aussi honorées et priées avec ferveur. Certaines disparaissent sous les fleurs, comme Vishnu.


La ferveur est palpable et s'exprime aussi par les dons que des troncs métalliques énormes et bien cadenassés recueillent: on en trouve un nombre impressionnant.

Ce dédale de galeries nous mène à une immense cour rectangulaire d'où l'on aperçoit plusieurs autres gopurams ainsi que le dôme recouvert de feuilles d'or qui surplombe le "Saint des saints", cette partie du temple recélant la statue de Parwati, épouse du dieu Shiva.

 Une longue file de fidèles attend d'y pénétrer, mais les non hindous n'y sont pas admis. Chaque soir  une cérémonie se déroule au cours de laquelle les prêtres transportent dans un palanquin fermé la statue de Shiva jusqu'au saint des saints où il rejoint son épouse; le temple est ensuite fermé.

Le dieu Shiva est réputé se déplacer à l'aide d'un taureau, animal qui est considéré comme son véhicule attitré; chaque temple de Shiva possède ainsi son taureau auquel on peut adresser une requête comme à son maître.


 Le mariage de Shiva et de Parwati donna naissance à l'enfant Ganesh, qui se trouva malheureusement affublé d'une tête d'éléphant à la suite d'une méprise. Le dieu Ganesh est réputé pour lever les obstacles grands et petits: il est donc extrêmement populaire.


Sa représentation se trouve dans tous les temples à travers des statues de tailles diverses. Dans le temple de Madurai on peut adresser une prière à Ganesh en versant sur une petite statue du dieu  de la cendre de bouse de vache:  la statue a totalement disparu sous cette épaisse couche .

C'est aussi pour honorer Ganesh que chaque temple possède son éléphant.

lundi 25 avril 2011

Un débordement végétal

Les routes de l'Inde du sud traversent des paysages foisonnants où toutes les espèces végétales semblent représentées. La végétation luxuriante ne s'étiole jamais complètement en raison du climat. Le pays connaît deux moussons dont la principale débute en juin dans l'Ouest et concerne tout le pays en juillet -août ; la deuxième, issue du Golfe du Bengale, se déploie en novembre et décembre sur le Tamil-nadu et l'Andhra-Pradesh, accompagnée de cyclones.
 Jamais on ne voit donc tous les arbres dénudés au même moment, car chacun  a son cycle propre. 

Le tek

Un frangipanier  escalade la terrasse avec ses fleurs couleur de crème délicate au parfum douceâtre:


Son voisin paraît beaucoup plus rébarbatif avec ses fruits en boulets de canon, dont on se demande d'ailleurs s'ils lui appartiennent vraiment ou s'ils sont les produits d'une liane épiphyte: c'est un kigalia africana.


Mais la fleur qu'il recèle au coeur de son tronc  suggère une tout autre personnalité:



Certains arbres se révèlent nourriciers comme le tamarinier qui pousse au bord des routes et dont la gousse fournit une pulpe acide très utilisée en cuisine indienne pour remplacer le citron .


On la retrouve sur les marchés sous forme de pâte après que les administrations des villages se sont chargées de la récolter pour  céder ensuite aux commerçants cette précieuse denrée.





L'anacardier porte les noix de cajou; ces noix poussent à l'extérieur du fruit et cessent leur croissance à partir d'une certaine grosseur. Mais il faut laisser grossir le fruit avant de récolter les noix.


Les noix sont ensuite grillées pour être débarrassées de leur coque.



Enfin, parmi les arbres nourriciers voici le bananier-roi dont la fleur mérite à elle seule l'admiration; trente variétés différentes poussent en Inde.




C'est un véritable grenier que nous traversons: certaines rizières sont encore vert tendre,


et dans d'autres la moisson est en cours ou achevée. . 


On aperçoit de nombreuses meules de paille dans les cours des fermes.


Le sésame fleurit aussi,


et la liane du poivrier escalade troncs et branches puissantes,


tandis que  l'arachide sort de terre.



Les hommes de cette terre  généreuse en tirent des fruits succulents qui aboutissent sur les marchés locaux  tournant dans les différents villages chaque jour de la semaine.  Couleurs des fruits et des légumes, couleurs des vêtements féminins et masculins: le régal est complet.


Voici des jacks 


que le marchand ouvre pour en extraire les fruits jaune pâle, semblables à de petits poivrons, d'un goût exquis.